Cairn

Soit on se lamente sur son sort, soit on va de l’avant

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« Soit on se lamente sur son sort, soit on va de l’avant » disait un rescapé de la Covid qui souffrait encore de séquelles. Ajoutons que si ce n’est pas faux, c’est oublier bien d’autres réalités.

Certains, pour faire face à la souffrance, prônent la résilience. D’autres aussi, face à la mort, s’accrochent au souhait « qu’il (le décédé) nous regarde et nous protège ». Etc.

A ma connaissance, l’humanité lutte contre la mort, et bien des actes et des pensées s’ajoutent aux aspects médicaux ou à un haussement d’épaules.

C’est la lutte, par exemple, contre le temps qui passe et de la trace que nous laisserons dans ce monde.

Dans le domaine religieux, les rites sont censés nous aider. Les « kerns » ou « cairns », ces monticules de pierres que l’on pose les unes sur les autres et qu’on rencontre en montagne dans bien des pays, sont une approche laïque.
Alors que la première règle serait, parait-il, ne laisser la nature telle qu’elle est, de ne toucher à rien, de respecter tant ce que l’on voit que ce qu’on ne voit pas… Il n’en est pas vraiment ainsi face à la vie et la mort. Nous tenons à laisser une trace, nous avons besoin de laisser une trace.

Un cairn a toujours un sens pratique, c’est un repaire pour les voyageurs, une indication permettant de s’orienter. Ce genre de « montage » devient de plus en plus fréquent. Cela va des petits cairns constitués le temps d’une promenade aux galets que l’on emporte des plages, et des pierres que l’on déplace dans les cours d’eau. Des cairns il y en a partout dans le monde.

 

Se souvenir, laisser sa marque, la trace de son passage…. Les tombes de nos cimetières s’inscrivent aussi dans cette lutte contre le temps, contre la finitude. Elles sont un témoignage réel rendu à des membres de nos familles, aussi à des amis. Cela va de l’obélisque de la place de la Concorde aux monuments militaires. Des amis et de grands hommes ont vécu, parmi nous, ils ont réalisé quelque chose dans leur vie qui doit encore être dressé pour une persistance du temps. Et justement, la pierre et le marbre ont une longue durée… de vie. Certains placent un caillou sur une tombe quand ils viennent s’y recueillir.

 

Alors que tout retourne à la poussière, c’est exprimer le besoin de poser ces éléments qui ne passent pas,
du moins le temps de nos vies, plus longtemps même que le temps des vies.

Face à la vie qui s’écoule impitoyablement, nous osons des gestes, voulons certains rites, aussi dans le domaine religieux. La foi chrétienne ne peut guère faire l’économie des rites, symboles, gestes et pierres. 


Et la véritable consolation ? L’acte dressé contre la mort ? C’est encore une histoire de pierre, celle qui a été roulée au matin de Pâques. Elle n’a pas été dressée, elle a été enlevée…

Pasteur Bruno Holcroft
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